  Elle ne sentait plus la morsure des cailloux sous ses fines semelles, ni les herbes folles qui lui griffaient les jambes. Elle ne sentait rien d'autre que le souffle de la peur qui brûlait ses poumons.
Au loin, mais pas assez loin, les aboiements des molosses résonnaient dans la nuit, mêlés aux voix menaçantes qui se faisaient plus proches à mesure qu'elle s'enfonçait dans la forêt profonde.
Plus vite... plus vite... Je peux courir plus vite. Je dois courir plus vite.
  Mais les muscles douloureux n'en avaient cure. La foulée se faisait plus courte. La respiration plus chaotique.
 Une voix ténébreuse plus forte et plus proche que les autres lui fit manquer une enjambée qui l'envoya face contre terre.
PAR-ICI !!! ELLE EST PASSÉE PAR-ICI !!!
  Elle avait perdu plus d'avance qu'elle l'avait espéré. La horde de ses poursuivants la talonnait et ne tarderait plus à la rattraper. Prenant appui sur ses paumes écorchées, elle se redressa et voulut reprendre sa course folle dans l'obscurité. Mais une ronce plus vorace que les autres agrippa sa manche, déchira l'étoffe et entama la chair du bras.
  Elle retint le cri mais ne put contenir les larmes silencieuses qui strièrent son visage maculé. Elle était perdue. Elle était vaincue. Épuisée par sa fuite, aveuglée par ses larmes, elle se laissa tomber à genoux sur la terre humide et, résignée, leva les yeux vers les étoiles pour s'adresser à celui qui ne la serrerait plus jamais dans ses bras aimants.
Pardonnez-moi père ! J'ai lutté tant que j'ai pu... Prenez soin de vous.
Elle ferma les yeux et baissa la tête à l'instant où la bête surgit...