top of page

Oasis Spring, juillet 1969



Il va marcher sur la Lune.

   Il sera le seul à être le premier et restera à tout jamais celui qui aura foulé un sol que nul autre n’a jamais foulé. Le monde a les yeux rivés sur lui. Il le sait, il entre dans l’Histoire. Et son coeur bat à l’unisson avec le coeur de l’humanité toute entière.

  Le pied posé sur la première marche de son destin, il s’immobilise et jette un dernier regard là-haut. Derrière la nue, il devine l’empyrée où tout n’est que silence profond et ténèbres infinies. Il se projette déjà dans ce grand vide béant où seuls les dieux connaissent les vrais mystères de l’univers.

  Il baisse la tête et frissonne en croisant le regard de ses compagnons de voyage. Les visages sont graves, solennels. Peut-être ne reviendront-ils pas. Malgré tout, il lit dans leurs yeux toute la détermination qui est la sienne. Qu’importe l’issue de l’aventure, leur esprit est déjà en apesanteur.

  Il reprend son ascension, pénètre dans la capsule et s’installe à son poste pour passer en revue les procédures mille fois répétées. Nulle poésie dans cette mission. L’enjeu est scientifique. Et politique. Le drapeau étoilé doit flotter le premier sur cette terre morte et aride devenue l’emblème d’une énième rivalité humaine.

  Nulle poésie là-dedans…

  Pourtant elle est là. Elle s’impose. Il ne peut la nier. Elle lui tord les boyaux. Il se revoit enfant, allongé près de son père dans l’herbe sèche, scrutant inlassablement la belle Dame blanche, pointant du doigt chacune de ses ombres creuses, imaginant un voyage chimérique qui n’aurait jamais lieu. Il se souvient les nuits passées à laisser vagabonder son imagination fertile dans le firmament, des étoiles plein les yeux.

  Derrière eux, la porte est scellée. Il cligne des yeux et chasse de son esprit cette pensée amère. Dans trois jours, ils seront les nouveaux conquistadors d’un monde encore inexploré. Dans trois jours, il va toucher du doigt son rêve d’enfant. Dans trois jours il va anéantir celui de tous les petits garçons du monde. Dans trois jours, la Lune ne sera plus que poussière collée à ses semelles…

« I’m gonna step into land now… It’s one small step for a man, one giant leap for mankind… »

1 vue0 commentaire

Posts récents

Voir tout
bottom of page