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San Myshuno, septembre 1929



   La main posée sur son épaule relâcha son étreinte compatissante.

"Désolé Eliott… on finira par l’avoir ce fumier !"

   Les lèvres scellées par l’amertume, Eliott soutint le regard de son collègue et finit par acquiescer d’un imperceptible hochement de tête.

   Il se devait de faire bonne figure, car sous les feutres élimés les regards baissés ne trompaient personne. La colère et la frustration étaient grandes. Il en avait bien conscience. Affreusement conscience.

  Ceux qui avaient fini ce soir-là derrière les barreaux n’étaient que menu fretin. Le grand ponte, quant à lui, continuait de se pavaner, ventre en avant, cigare aux lèvres, pendu au bras de jolies femmes vénales exhibées dans les soirées huppées où le flattaient les grands notables de la ville.

  Cette fois-ci, ils avaient vraiment cru parvenir à leurs fins. Des semaines durant, des dizaines d’hommes s’étaient mobilisés pour le faire tomber. L’assaut de la distillerie clandestine où le plus grand malfrat de la décennie devait superviser en personne une importante transaction avait été préparé avec la plus grande minutie. Les informateurs infiltrés étaient fiables. Tous les indicateurs étaient au vert.

  Jusqu’à l’insoutenable évidence. L’homme était puissant. Très puissant. Suffisamment pour gangrener leurs propres rangs. Indéniablement, l’ennemi public n°1 avait été informé de l’opération dans ses moindres détails.

  Alors quand les portes avaient été enfoncées, le piège s’était immédiatement refermé sur eux. Ils étaient attendus. Les balles avaient fusé, cueillant quatre de ses hommes. Au final, la situation avait été maîtrisée, mais deux d’entre eux ne se relèveraient jamais de cette trahison.

  Au bord de l’écoeurement, Eliott ferma les yeux pour dissiper son malaise. Comment pouvait-on se rendre complice d’un tel monstre ? D’un homme qui ne reculait devant rien pour asseoir son empire. D’un homme capable d’assassiner aveuglément hommes, femmes et enfants au nom du pouvoir et de l’argent. Tout cela le dépassait.

  Le regard fixe et plus déterminé que jamais, il serra les poings avec force. Hors de question de s’incliner, de courber l’échine ! Oui ! On finirait par l’avoir ce fumier ! Et avec lui tous ceux qui croyaient en l’impunité...

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